Les revenus du dirigeant marié en communauté

Marié en communauté le dirigeant d’entreprise qui divorce a vocation à partager tous ses revenus cumulés, ainsi que ses retraites cotisées et autres avantages épargnés, à quelques exceptions près.

 

Les revenus et avantages du dirigeant d’entreprise ou du mandataire social peuvent prendre des formes multiples : salaire, rémunération, dividendes, jetons de présence, stock-options, actions gratuites, plan de retraite entreprise etc.


En régime de communauté légale, à quelques rares exceptions près, toute rémunération, épargne, ou option levée pendant la durée du mariage est un acquêt de communauté, à partager au moment de la rupture.

 

1. Quelles sont les formes de rémunération du dirigeant ?


Le régime de communauté légale prévoit, un partage entre les époux des actifs nets (actifs -passifs) de communauté lors de la liquidation du régime matrimonial, le plus souvent au moment du divorce.


Un des principes de base du régime de communauté est que les gains et salaires, produits de l’industrie personnelle des époux font partie de la communauté.


Le dirigeant d’entreprise a souvent, des revenus et avantages multiformes, il est donc intéressant de les examiner afin de distinguer ceux qui sont communs, de ceux qui, à titre exceptionnel, lui demeurent propres.

 
1) Rémunérations/salaires :

 

Les gains et salaires du dirigeant (ayant un contrat de travail distinct de ses fonctions de direction) et du mandataire social font partie de la communauté.


En cas de divorce, toutes les sommes épargnés ou cumulées ont vocation à être partagées à une date déterminée, celle de la fin de la communauté.


Concernant tous les revenus cumulés du dirigeant, en cas de divorce, ils viendront abonder en valeur l’actif de communauté, dont la vocation est d’être partagé en deux parts égales par le mécanisme des attributions, après déduction du passif de la communauté.

 

2) Les dividendes :

 

Les dividendes constituent la part des bénéfices de la société distribuée à ses associés sur décision de l’assemblée générale.


En droit les dividendes sont des « fruits » au sens du latin « fructus » : bénéfice, produit tiré de l’exploitation.


La société commerciale a pour objet de partager les bénéfices produits par l’activité sociale entre les associés.


Les dividendes sont les produits engendrés par cette activité.


À ce titre, si la société est un bien commun, les dividendes sont ipso facto des biens communs.


Et si la société est un bien appartenant en propre à un des conjoints parce qu’il a créé la société avant son mariage en communauté ?


Si la société est un bien propre à l’un des conjoints, la situation des dividendes en cas de divorce, ne va pas être très différente car la jurisprudence a établi que les revenus de biens propres sont « affectés » à la communauté.


Cela a pour conséquence que les bénéfices de la société propre à un des conjoints, ne deviennent communs que lorsqu’ils sont distribués.


Pas de distribution de dividendes = pas de partage des bénéfices avec l’époux.


En effet, les bénéfices de la société propre au conjoint, non distribués, ne deviennent pas des acquêts de communauté.


Cela a pour conséquence que le conjoint dirigeant en période délicate de pré-divorce pourra essayer de se prémunir en constituant des réserves au bilan, réserves qui viendront abonder la réserve légale ou le report à nouveau, au lieu de proposer la distribution de dividendes à l’assemblée générale.


Cette situation est tout à fait envisageable, en évitant toutefois, l’excès dans la constitution des réserves.


En cas d’excès dans la constitution de réserves le conjoint lésé pourra tenter au moment de la liquidation, de solliciter une récompense au profit de la communauté sur le terrain de la négligence de l’époux dans la perception des fruits ou de leur consommation frauduleuse (article 1403 du Code civil). Le juge tranchera en fonction des circonstances et le dirigeant aura donc tout intérêt à s’être ménagé spécifiquement dans les documents soumis à l’assemblée générale, les raisons de sa politique de mise en réserves au regard de l’intérêt social.


Cette situation se rencontre également lorsque les deux époux sont associés de la personne morale, l’époux minoritaire lésé pourra alors tenter une action fondée sur l’abus de majorité.

 

3) Les substituts ou accessoires du salaire :


– Indemnité de licenciement

– Indemnité de départ anticipé à la retraite

– Indemnité versée au titre d’une assurance perte d’emploi

– Indemnité perçue au titre d’une incapacité temporaire de travail, suite à un accident et compensant la perte de revenus.


Ces indemnités compensatrices sont incontestablement communes lorsqu’elles viennent compenser une perte de revenu qui aurait dû être perçu pendant la durée du régime de communauté des époux.


A contrario en ce qui concerne les indemnités de licenciement : si le licenciement est notifié après la dissolution de la communauté des époux, les indemnités perçues sont des propres appartenant entièrement au conjoint licencié.


A contrario en matière d’accidents du travail, les indemnités réparant l’atteinte portée à l’intégrité physique ou morale de l’intéressé, et réparant donc un préjudice entièrement personnel demeure propre au conjoint victime.

 


4) Épargne Retraite complémentaire :

 

Les droits résultant du contrat de retraite complémentaire, souscrit par l’un des époux et auquel il ne pourra prétendre qu’à la cessation de son activité professionnelle constitue un bien propre par nature (article 1404 du code civil), sauf la récompense due à la communauté, en cas de liquidation du régime, pour les sommes abondées pour alimenter le contrat avec des revenus communs avant la dissolution du régime.

 


5) Les stock-options :

 

Les stock-options sont des droits à la souscription ou à l’achat d’actions que les sociétés par actions (SA, SAS, SCA) accordent à leurs mandataires sociaux.

 

L’option d’achat est ouverte au mandataire pendant un certain délai et pour un prix préalablement fixé.


Les actions n’entrent dans le patrimoine du bénéficiaire que lors de la levée de l’option.


En conséquence lorsque l’époux mandataire lève l’option avant la dissolution de la communauté, la valeur des actions est à intégrer à l’actif de communauté et aura donc vocation à être partagée.


Au contraire, si l’option est levée, après la dissolution de la communauté, les actions demeurent propres au conjoint.


Le même mécanisme s’applique pour les attributions d’actions gratuites, plus répandues actuellement.

 

En conclusion :


Le régime de communauté est souvent l’occasion de conflits patrimoniaux importants en situation de dégradation des relations conjugales.


De nombreux dirigeants ont heureusement parfaitement conscience de l’intérêt du régime de séparation des biens, mieux adapté à leur statut professionnel.


Toutefois des nuances entre ces deux régimes de nature opposée, peuvent également être apportées de façon à parachever l’équilibre entre les avantages et inconvénients de chacun, notamment en introduisant une société d’acquêts dans un régime de séparation des biens.

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