Des procédures à risque.

Des procédures à risque.

Les outils et processus habituels en matière familiale (enquête sociale, médiation familiale, expertise médicopsychologique de la famille) peuvent aisément se retourner contre les intérêts du conjoint victime.

L’enquête sociale est à proscrire :

En effet l’enquêtrice sociale peu formée risque de se laisser facilement convaincre de l’innocuité du parent pervers qui est très bien armé pour séduire et s’allier l’enquêtrice et au passage, infuser dans son esprit un portrait peu flatteur du parent victime. Pour peu que ce dernier ait la moindre faille, il passera facilement pour le mauvais parent.

 

Or, les juges confient aux enquêtrices sociales (95 % de femmes) le soin de faire un rapport et notamment de « donner un avis concernant le mode de garde » à envisager dans les dossiers dans lesquels ils les missionnent.

 

Il y a donc beaucoup de responsabilités sur les épaules de ces enquêtrices qui vont émettre un avis pouvant peser gravement sur l’avenir de la famille alors que, de plus le principe contradictoire n’a pas encore trouvé sa place dans ces « enquêtes » qui se déroulent totalement en dehors des avocats.

 

Dans les cas du grave trouble de la relation que constitue la perversion narcissique, l’enquêtrice sociale risque de n’avoir ni la compétence ni la vigilance pour repérer une éventuelle manipulation, et donc en toute bonne foi, émettre un rapport totalement contraire aux intérêts réels de l’enfant ou des enfants, très précisément parce qu’elle aura été manipulée « à l’insu de son plein gré ».

 

Il faut donc absolument proscrire l’enquête sociale dans ces dossiers délicats. En tous cas le conjoint victime ne doit pas la demander, rappelons toutefois que l’autre partie peut le faire et le juge l’ordonner même sans demande des parties.

 

A ce jour, pour postuler à la fonction d’enquêtrice sociale il faut décliner les diplômes obtenus mais sans qu’un diplôme spécifique d’enquêtrice sociale ne soit exigé puisqu’aucune formation spécifique n’existe à ce jour. La majorité des enquêtrices sociales ont un diplôme d’État d’Assistant de service social (Assistante sociale) doublé parfois d’un diplôme de médiatrice familiale.

 

La médiation familiale est interdite

La médiation familiale quant à elle est à proscrire absolument.

 

En effet la médiation familiale implique nécessairement la bonne foi des parties, une écoute minimum et une prise en compte de l’autre dans sa réalité spécifique et ses attentes, et donc l’inverse de ce qu’on trouve dans ce type de dossiers du côté du conjoint auteur des faits.

 

Il va donc revenir à l’avocat d’anticiper après écoute attentive et réitérée du récit du conjoint victime et décryptage des éléments matériels existants au dossier, de déterminer si la médiation pourrait être nuisible dans ce dossier en particulier.

 

La proposition systématique dans les dossiers d’une médiation familiale devra être gérée avec lucidité. Il suffira en effet que le conjoint victime n’y consente pas et que l’avocat ne craigne pas de répondre clairement aux attaques éventuelles de l’autre partie qui n’hésitera pas à instrumentaliser ce refus dans les débats. Cela pourra être la première occasion de fixer le cadre du conflit.

 

Cet aspect de médiation familiale n’est pas sans difficulté puisque dans certains cas, le juge peut l’imposer à titre de sanction d’un déficit de recherche préalable d’un accord. On touche là, un chemin en impasse qu’il conviendra d’éviter adroitement par une stratégie procédurale adaptée.

 

Il doit être rappelé que la Convention d’Istanbul du 11 mai 2011 (Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, (publiée au journal officiel par décret n° 2015-148 du 10 février 2015) proscrit en son article 48 la médiation en cas de violences intrafamiliales.

 

Or les situations de violences purement psychologiques constituent bien évidemment des violences intrafamiliales et donc des situations dans lesquelles les conjoints sont dans une position asymétrique l’un par rapport à l’autre.

 

Par ailleurs dans le cas plus spécifique de la perversion narcissique, non seulement il y a positions asymétriques des conjoints entre eux mais encore il y a un fort risque que la médiatrice (là encore on trouve une grande majorité de femmes) ne se trouve empêtrée dans la position de neutralité qui lui est assignée par son rôle même, et qu’elle ne puisse de ce fait, que subir et faire subir sans réagir, les agissements manipulatoires du conjoint auteur des violences.

 

L’enfer étant pavé de bonnes intentions, il conviendra aussi d’éviter avec finesse ce type de situations dans lesquelles paradoxalement les bonnes intentions des acteurs judiciaires ne conduiraient qu’à des souffrances additionnelles pour le conjoint victime, avec un risque de brouillage de la situation de conflit, tout en donnant au conjoint auteur des violences l’occasion de les exercer encore.

 

Il s’agit donc d’une situation à éviter.

 

Le GREVIO organe d’experts indépendants chargés de veiller à la bonne mise en œuvre par les états parties de la convention d’Istanbul, dans son rapport du 19 novembre 2019 commente l’article 48 de la convention d’Istanbul qui proscrit la médiation en cause en cas de violences intra familiales et rappelle à ce sujet pour la France :

 

« Si la médiation familiale demeure un outil mobilisé dans le but d’améliorer les relations entre les conjoints, il est nécessaire d’interdire et de prévenir l’utilisation de cet outil face à une situation de violences conjugales dans un couple où les relations sont par définition asymétriques […]. Dès lors qu’une femme* se déclare victime de violences conjugales (ou s’il y a présomption de violences conjugales), la médiation devrait être mise de côté au profit d’un accompagnement et d’une protection adaptée ».

* : En notre qualité de praticien du droit de la famille, il nous semble important de souligner que dans le domaine des violences psychologiques, il y a aussi des hommes victimes, et que ce schéma rend toujours le dossier encore plus délicat, du fait que cette situation reste difficile à se représenter pour la majorité des acteurs judiciaires. Cette situation relative à l’homme victime des violences (qu’elles soient psychologiques et/ou physiques) constitue encore actuellement,  quasiment un tabou, difficile à se représenter pour les acteurs judiciaires. Il convient d’observer que la situation sera empreinte d’une gravité particulière, lorsque c’est la mère qui est le conjoint porteur du trouble de la personnalité et qu’il y a un enfant ou des enfants jeunes, n’ayant pas atteint l’âge du discernement et donc non susceptible d’être entendu par le juge.

 

Il faut toutefois observer que la convention d’Istanbul dont l’objet est la « lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique » : inclut à l’évidence dans le terme « violence domestique » tout type de violence intra familiale et notamment la violence exercée à l’encontre de conjoints masculins.

Bien que le rapport du GREVIO ne soit qu’indicatif pour les états parties et n’ait donc pas de force exécutoire ni de pouvoir de sanction, les avocats ne doivent pas s’empêcher de le citer largement dans ce type de dossier pour justifier leur position d’autant que les magistrats accueilleront en général bien volontiers, l’argumentation juridique qui leur permettra de motiver leur décision lorsque la situation « asymétrique » entre les conjoints leur aura été clairement exposée.

L’expertise judiciaire requiert également de nombreuses précautions :

Comme l’enquête sociale, l’expertise médicopsychologique de la famille peut être soit demandée par une partie au procès soit ordonnée d’office par le juge s’il l’estime nécessaire.

Au cours de ces expertises, une expert judiciaire, la plupart du temps un médecin psychiatre (presque jamais un pédopsychiatre ce qui est regrettable, alors que la question de la résidence des enfants sera au centre de ces dossiers conflictuels) sera désigné afin de rencontrer les parties  et de produire un rapport dans lequel il devra notamment « donner son avis » sur l’organisation de la garde (ou résidence ) des enfants, lequel avis sera en règle générale suivi par le magistrat.

L’expert judiciaire a donc lui aussi une lourde responsabilité.

Ces expertises médicopsychologiques de la famille posent de nombreuses questions : rapport défaillant au principe du contradictoire, variabilité de la qualité de l’expertise en fonction de l’expert, variabilité des méthodes utilisées. Le risque de manipulation de l’expert ne peut être ignoré.

Il serait en effet bien trop simple de penser que les experts judiciaires sont tous suffisamment vigilants, avertis et compétents pour échapper aux tentatives de séduction et de persuasion du conjoint narcissique.

Mon expérience d’avocat m’a montré en effet qu’il n’en est rien. Certaines précautions permettront toutefois d’atténuer le risque.

Notamment le conjoint victime pourra être assisté d’un médecin-conseil (en général le psychiatre) compétent et diligent lequel pourra de ce fait avoir un dialogue profitable, en sa qualité de spécialiste, avec l’expert judiciaire.

En cas de difficultés, une contre-expertise devra être sollicitée, voire la demande de nullité du rapport d’expertise pour le cas où des difficultés de contradictoire ou autres seraient apparues en cours d’expertise.

On voit bien que dans ce type de dossier particulièrement délicats, les outils habituels du droit de la famille devront être utilisés avec une particulière vigilance, des précautions particulières et une certaine parcimonie du fait des spécificités de la personnalité du conjoint, auteur des faits de violence.

L’avocat, conseil du conjoint victime, qui est donc susceptible de demander ou de s’opposer à une de ces mesures dites mesures d’instruction, devra être particulièrement précautionneux.

Il pourra notamment collaborer avec un psychothérapeute de façon à obtenir l’avis d’un professionnel sur la situation intra familiale.

Cette collaboration pourra déboucher, sur la rédaction par le psychothérapeute en question, d’une note observation des enfants, voir également du conjoint victime, lorsque l’enjeu du dossier est, comme souvent, la « garde » des enfants.

Cette note d’observations non contradictoire, sera souvent d’une grande utilité pour l’obtention d’une expertise médicopsychologique de la famille lorsque le comportement du parent auteur des violences est « masqué » sous une apparence extérieure totalement « normale » alors que le comportement intrafamilial du conjoint parents est ou a été, radicalement marqué par des agissements psychologiquement violents.

La plupart des outils juridiques peuvent être subvertis par le conjoint auteur des faits, ce qui requiert de la part de l’avocat une grande prudence.

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